Gary Schwartz

President | CEO

La logique bancale du projet de loi 72 sur les frais NSF

Résumé : Le projet de loi 72, la nouvelle loi québécoise sur la protection du consommateur, impose un plafond aux frais de fonds insuffisants (NSF) pour les prêteurs non bancaires, les limitant à environ 2 $, alors que les banques pouvaient jusqu’à récemment facturer 45 $. Maintenant, avec le gouvernement fédéral qui plafonne les frais NSF des banques à 10 $, l’écart demeure — les Québécois se retrouvent avec un système à deux vitesses où certains prêteurs peuvent facturer 10 $ et d’autres seulement 2 $. Cette application inégale fausse le marché, oblige les petits prêteurs à absorber des coûts irrécouvrables tout en encourageant les consommateurs à faire défaut lorsque la pénalité est dérisoire. Harmoniser les règles à 10 $ pour tous permettrait de mieux équilibrer la protection des consommateurs et l’inclusion financière.


Lorsqu’un paiement d’un Québécois est refusé, la sanction dépend moins du comportement que du prêteur. Selon les nouvelles règles d’Ottawa, les banques ne peuvent pas facturer plus de 10 $ en frais NSF. Mais en vertu du projet de loi 72, les prêteurs non bancaires sont plafonnés à environ 2 $ — soit le montant que leur propre banque leur facture. Même événement, deux régulateurs, deux règles.

L’incohérence est frappante. Le traitement des paiements échoués n’est pas gratuit : il exige du temps du personnel, des systèmes et de la gestion des risques. Pendant des décennies, les frais de 45 $ reflétaient largement ces coûts. Le gouvernement Trudeau l’a reconnu en imposant une forte réduction pour les banques — mais en maintenant un niveau dissuasif significatif à 10 $. Le plafond du Québec à 2 $, en revanche, banalise le coût du défaut et transfère des millions de dollars de pertes irrécouvrables aux prêteurs non bancaires.

Les consommateurs n’en profiteront pas à long terme. Si la pénalité pour défaut est négligeable, davantage d’emprunteurs prendront le risque de laisser passer des paiements. Les délinquances augmenteront, les marges diminueront et les prêteurs non bancaires — qui desservent souvent les ménages exclus du crédit traditionnel — se retireront. Avec le temps, les emprunteurs auront moins de choix et feront face à des coûts d’emprunt plus élevés.

La disposition sur les NSF illustre les dangers de l’incohérence réglementaire. Un régulateur, le ministère fédéral des Finances, établit une norme nationale pour les banques. Un autre, l’Office de la protection du consommateur (OPC), impose des règles plus strictes aux non-banques. Le résultat récompense les acteurs en place et pénalise les nouveaux venus.

D’autres éléments du projet de loi 72 comportent des risques similaires. Par exemple, limiter les frais d’adhésion ou de renouvellement des cartes de crédit à une fois par an peut sembler protecteur, mais pourrait en pratique rendre non viables les modèles des petits fournisseurs de crédit. Cela laisserait les emprunteurs vulnérables avec moins d’options réglementées et une plus grande exposition aux prêteurs non autorisés et prédateurs — précisément le résultat que la loi cherche à éviter.

Toute la loi n’est pas mal conçue. Exiger des permis pour les contrats de crédit renouvelable est judicieux, et un contrôle accru des acteurs voyous est nécessaire depuis longtemps. Mais mettre dans le même panier les entreprises responsables et réglementées avec les mauvais acteurs mine la concurrence et l’inclusion financière.

La solution est simple : harmoniser les règles NSF à 10 $ pour tous les prêteurs, bancaires et non bancaires. Ainsi, les consommateurs sont protégés contre des frais excessifs, les prêteurs ne sont pas injustement pénalisés et le marché fonctionne sur un pied d’égalité.

Cinq idées clés

  1. Réglementation inégale : Ottawa a plafonné les frais NSF des banques à 10 $, mais le Québec limite encore les prêteurs non bancaires à 2 $, créant un système à deux vitesses.
  2. Distorision du marché : Cet écart transfère les coûts aux prêteurs non bancaires, récompensant les acteurs en place et pénalisant la concurrence.
  3. Incitatifs pervers : Des pénalités minimes encouragent les consommateurs à faire défaut plus souvent, augmentant les délinquances et le risque.
  4. Accès réduit au crédit : Les prêteurs non bancaires, qui desservent les emprunteurs marginalisés, pourraient se retirer du marché, laissant les ménages vulnérables avec moins d’options réglementées.
  5. Solution politique : Harmoniser les règles NSF à 10 $ pour tous les prêteurs protégerait les consommateurs sans fausser la concurrence.

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